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abbayes de Bénédictines que j’ai connues, chaque moniale était libre d’agir comme bon lui semblait ; dans certaines constitutions d’Augustines, le cas est au contraire prévu ; défense est faite de se laver, sinon tous les mois, le corps. En revanche, chez les Carmélites, la propreté est exigée. Sainte Térèse haïssait la crasse et aimait le linge blanc ; ses filles ont même, je crois, le droit d’avoir une fiole d’eau de Cologne dans leurs cellules. Vous le voyez, cela dépend des ordres et probablement aussi, quand les règles n’en font pas expressément mention, des idées que la supérieure professe à ce sujet. J’ajouterai que cette question ne doit pas être seulement envisagée au point de vue mondain ; car la saleté corporelle est pour certaines âmes une souffrance, une mortification de plus qu’elles s’imposent. Voyez Benoît Labre !

— Celui qui ramassait sa vermine lorsqu’elle le quittait et la remettait pieusement dans sa manche ! Je préfère des mortifications d’un autre genre.

— Il en est de plus dures, croyez-le, et je doute que celles-là vous conviennent plus. Voudriez-vous imiter Suso qui, pour châtier ses sens, traîna pendant dix-huit ans, sur ses épaules nues, une énorme croix plantée de clous dont les pointes lui foraient les chairs ? Il s’était de plus emprisonné les mains dans des gantelets de cuir hérissés, eux aussi, de clous, de peur d’être tenté de panser ses plaies. Sainte Rose de Lima ne se traitait pas mieux ; elle s’était ceint le corps d’une chaîne si serrée qu’elle avait fini par entrer sous la peau, par disparaître sous le bourrelet saignant des chairs ; elle portait, en outre, un cilice de crin de cheval