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La grille de clôture, située à gauche de l’autel était ample, très éclairée par derrière, de sorte que lorsque même les rideaux étaient fermés, l’on pouvait facilement entrevoir tout le chapitre, échelonné dans des stalles de chêne, surmontées, au fond, d’une stalle plus haute où se tenait l’abbesse. Un cierge allumé était planté au milieu de la salle et, jours et nuits, une religieuse priait devant lui, la corde au cou, pour réparer les insultes que, sous la forme Eucharistique, Jésus subit.

La première fois qu’il avait visité cette chapelle, Durtal s’y était rendu, le dimanche, un peu avant l’heure de la messe et il avait pu assister ainsi à l’entrée des Bénédictines, derrière la claire-voie de fer. Elles s’avançaient, deux par deux, s’arrêtaient au milieu de la grille, faisaient vis-à-vis à l’autel et le saluaient, puis se regardant elles s’inclinaient l’une devant l’autre ; et ce défilé de femmes noires où n’éclatait que la blancheur du bandeau et du col et la tache dorée du petit ostensoir placé sur la poitrine, se continuait jusqu’à ce qu’à la fin, les novices apparussent à leur tour, reconnaissables au voile blanc qui leur couvrait la tête.

Et quand un vieux prêtre, assisté d’un sacristain, commençait la messe, doucement, au fond du chapitre, un petit orgue donnait l’intonation aux voix.

Alors Durtal avait pu s’étonner, car il n’avait pas encore entendu une seule et unique voix faite d’une trentaine peut-être, d’un diapason aussi étrange, une voix supra-terrestre qui brûlait sur elle-même en l’air et se tordait en roucoulant.

Cela n’avait plus aucun rapport avec le lamento glacé, têtu des Carmélites, et cela ne ressemblait pas davan-