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l’attente, il désirait, certains autres jours, ne plus différer l’inévitable instant et il se criait : que ça se termine ! Tout plutôt que de rester ainsi !

Et, ce souhait ne paraissant pas s’exaucer, il se décourageait aussitôt, voulait ne plus songer à rien, regrettait le temps passé, déplorait de se sentir charrié par un courant pareil !

Et quand il se ranimait un peu, il essayait encore de s’ausculter. Au fond, je ne sais plus du tout où j’en suis, se disait-il ; ce flux et reflux de vœux différents m’effarent ; mais comment en suis-je venu là et qu’est-ce que j’ai ? Ce qu’il ressentait, depuis que sa chair le laissait plus lucide, était si insensible, si indéfinissable, si continu pourtant, qu’il devait renoncer à comprendre. En somme, chaque fois qu’il voulait descendre en lui-même, un rideau de brume se levait qui masquait la marche invisible et silencieuse d’il ne savait quoi. La seule impression qu’il rapportait, en remontant, c’est que c’est bien moins lui qui s’avançait dans l’inconnu, que cet inconnu qui l’envahissait, le pénétrait, s’emparait peu à peu de lui.

Quand il entretenait l’abbé de cet état tout à la fois lâche et résigné, implorant et craintif, le prêtre se bornait à sourire.

— Terrez-vous dans la prière et baissez le dos, lui dit-il un jour.

— Mais je suis las de tendre l’échine, en piétinant toujours sur la même place, s’écria Durtal. J’en ai surtout assez de me sentir poussé par les épaules et conduit je ne sais où ; d’une façon ou d’une autre, il est vraiment temps que cette situation finisse.