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dans une musique de foire, faisaient tourner la Vierge sur ses litanies comme sur des chevaux de bois.

Dans d’autres églises, à Saint-Thomas d’Aquin, par exemple, où elles étaient également égouttées par des femmes, les litanies étaient poudrées à frimas et parfumées à la bergamote et à l’ambre. Elles étaient, en effet, adaptées à un air de menuet et elles ne déparaient pas ainsi l’architecture d’opéra de cette église, en présentant une Vierge qui marchait à petits pas, en pinçant de deux doigts sa jupe, s’inclinait dans de belles révérences, se reculait dans de grands saluts. Cela n’avait évidemment rien à voir avec la musique religieuse, mais ce n’était pas au moins désagréable à entendre ; il eût seulement fallu, pour que l’accord fût complet, substituer un clavecin à l’orgue.

Mais ce qui était autrement intéressant que ces fredons laïques, c’était le plain-chant qu’on chantait plus ou moins mal, ainsi que partout ailleurs, mais enfin qu’on chantait, lorsqu’il n’y avait pas de cérémonie de gala, à Notre-Dame.

On ne s’y conduisait pas de même qu’à Saint-Sulpice et dans les autres églises, où, presque toujours, on habille le « Tantum ergo » de flons-flons imbéciles, de mélodies pour fanfare militaire et pour banquet.

L’Eglise ne permettait pas de toucher au texte même de saint Thomas d’Aquin, mais elle laissait le premier maître de chapelle venu supprimer ce plain-chant qui l’avait enveloppé dès sa naissance, qui l’avait pénétré jusqu’aux moelles, qui adhérait à chacune de ses phrases, qui faisait corps et âme avec lui.