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core ; d’autres, abattues, pliaient l’échine et penchaient, tout d’un côté, le cou ; d’autres priaient, les épaules secouées, la tête entre les mains.

La tâche du jour était terminée ; les excédées de la vie venaient crier grâce. Partout le malheur agenouillé ; car les riches, les biens portants, les heureux ne prient guère ; partout, dans l’église, des femmes veuves ou vieilles, sans affection, ou des femmes abandonnées ou des femmes torturées dans leur ménage, demandant que l’existence leur soit plus clémente, que les débordements de leurs maris s’apaisent, que les vices de leurs enfants s’amendent, que la santé des êtres qu’elles aiment se raffermisse.

C’était une véritable gerbe de douleurs dont le lamentable parfum encensait la Vierge.

Très peu d’hommes venaient à ce rendez-vous caché des peines ; encore moins de jeunes gens, car ceux-là n’ont pas assez souffert ; seulement quelques vieillards, quelques infirmes qui se traînaient, en s’appuyant sur le dos des chaises, et un petit bossu que Durtal voyait arriver tous les soirs, un déshérité qui ne pouvait être aimé que par Celle qui ne voit même pas les corps !

Et une ardente pitié soulevait Durtal, à la vue de ces malheureux qui venaient réclamer au Ciel un peu de cet amour que leur refusaient les hommes : il finissait, lui, qui ne pouvait prier pour son propre compte, par se joindre à leurs exorations, par prier pour eux !

Si indifférentes dans l’après-midi, les églises étaient, le soir, vraiment persuasives, vraiment douces ; elles semblaient s’émouvoir avec la nuit, compatir dans leur