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minutieusement les phases douloureuses que l’on n’avait jusqu’alors signalées qu’en tremblant.

Puis, s’il est un théologien admirable, il est aussi un saint rigoureux et clair. Il n’a pas la faiblesse naturelle de la femme, il ne se perd point dans des digressions, ne revient pas continuellement sur ses pas ; il marche droit devant lui, mais souvent on l’aperçoit, au bout de la route, terrible et sanglant, et les yeux secs !

— Voyons, voyons, s’écria Durtal ; toutes les âmes que le Christ veut conduire dans les voies mystiques ne passent point par ces épreuves ?

— Si, plus ou moins, presque toujours.

— Je vous avouerai que je croyais la vie spirituelle moins aride et moins complexe ; je m’imaginais qu’en menant une existence chaste, en priant de son mieux, en communiant, l’on parvenait sans trop de peine, non pas à goûter les allégresses infinies réservées aux Saints, mais enfin à posséder le Seigneur, à vivre au moins près de lui, à l’aise.

Et je me contenterais fort bien de cette liesse bourgeoise, moi ; le prix dont sont payées d’avance les exultations que nous décrit saint Jean me déconcerte…

L’abbé qui souriait ne répondit pas.

— Mais savez-vous que s’il en est ainsi, reprit Durtal, nous sommes bien loin du Catholicisme tel qu’on nous l’enseigne. Il est si pratique, si bénin, si doux, en comparaison de la Mystique ?

— Il est fait pour les âmes tièdes, c’est-à-dire pour presque toutes les âmes pieuses qui nous entourent ; il vit dans une atmosphère moyenne, sans trop de souffrances et sans trop de joies ; seul il est assimilable aux foules