Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jetez pour quelques instants le souvenir de vos imperfections et de vos peines, et suivez-la. Voyez alors comme, dans le domaine du surnaturel, elle est experte ! Comme, malgré ses répétitions et ses longueurs, elle explique savamment, clairement, le mécanisme de l’âme évoluant dès que Dieu la touche. Dans des sujets où les mots se délitent, où les expressions s’émiettent, elle parvient à se faire comprendre, à montrer, à faire sentir, presque à faire voir cet inconcevable spectacle d’un Dieu tapi dans une âme et s’y plaisant.

Et elle va plus loin encore dans le mystère, elle va jusqu’au bout, bondit d’un dernier élan jusqu’à l’entrée du ciel, mais alors elle défaille d’adoration et, ne pouvant plus s’exprimer, elle s’essore, décrit des cercles telle qu’un oiseau affolé, plane hors d’elle-même, dans des cris d’amour !

— Oui, Monsieur l’abbé, je le reconnais, sainte Térèse a exploré plus à fond que tout autre les régions inconnues de l’âme ; elle en est, en quelque sorte, la géographe ; elle a surtout dressé la carte de ses pôles, marqué les latitudes contemplatives, les terres intérieures du ciel humain ; d’autres saints les avaient parcourues avant elle, mais ils ne nous en avaient laissé une topographie ni aussi méthodique, ni aussi exacte.

N’empêche que je lui préfère des mystiques qui ne s’analysent pas ainsi et raisonnent moins, mais qui font, tout le temps, dans leurs œuvres, ce que Sainte Térèse fait à la fin des siennes, c’est-à-dire qui flambent de la première à la dernière page et se consument, éperdus, aux pieds du Christ ; Ruysbroeck est de ceux-là ; quel brasier que le petit volume qu’a traduit Hello ! et tenez