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Il est en somme si résolument au-dessus de l’imagination, au-dessus des sens qu’il demeure presque à l’état vocal dans les oraisons et que les élans de l’humanité vont surtout au Fils qui est seul évocable, parce qu’il s’est fait homme, parce qu’il a pour nous quelque chose d’un grand frère, parce qu’ayant pleuré sous la forme humaine, nous pensons qu’il sera plus exorable, qu’il compatira mieux à nos maux.

Quant à la troisième Personne, elle est plus déconcertante encore que la première. Elle est, par excellence, l’Incognoscible. Comment s’imaginer ce Dieu amorphe et asome, cette Hypostase égale aux deux autres qui l’effluent, qui l’expirent, en quelque sorte ; on se la figure comme une clarté, comme un fluide, comme un souffle et l’on ne peut même lui prêter ainsi qu’au Père la face virile, car les deux fois qu’elle revêtit un corps, elle se montra sous les espèces d’une colombe et de langues de feu et ces deux aspects si différents n’aident point à nous suggérer l’idée de la nouvelle apparence qu’elle pourrait prendre !

Décidément, la Trinité est effrayante ; elle est le vertige même ; Ruysbroeck l’admirable l’a du reste écrit :

« Que ceux qui voudraient savoir ce qu’est Dieu et l’étudier sachent que c’est défendu, ils deviendraient fous. »

Aussi, reprit-il, en regardant les deux petites sœurs qui égrenaient maintenant leur rosaire, ce qu’elles ont raison les braves filles de ne pas chercher à comprendre et de se borner à prier de tout leur cœur et la Mère et le Fils !

D’ailleurs dans toutes les vies des Saints qu’elles ont