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délaya, sans rayons, toute mate, dans le cadre carré d’une fenêtre. Ils atteignirent une chaumière sans étage, composée d’une seule pièce. Dans la grande cheminée, sous une hotte dont les rebords s’encombraient de vaisselles peintes, un feu de sarment pétillait sec au-dessous d’un coquemar de fonte qui bouillait, épandant sous la danse de son couvercle l’impétueuse odeur des choux cuits.

— Là, siérez-vous, fit la tante Norine ; avez-vous faim ?

— Mais oui, ma tante.

— Ah ben c’étant ! fit-elle, se servant de cette expression que les paysans de ce côté de la Brie emploient, à tous propos, sans aucun sens.

— Goûte-moi celui-là, mon neveu, fit le père Antoine, tu m’en diras des nouvelles ; c’est du vin de ma vendange de la Graffignes.

Ils trinquèrent et burent un petit vin rose, acide, empesté par ce démangeant goût de poussière qu’ont les vins fabriqués dans les cuves qui ont contenu de l’avoine.

— Oui, ça sent un peu l’avène, la cuve m’a joué le tour, soupira le vieux, en faisant claquer sa langue ; c’est pas à la campagne comme à la ville, on n’a pas du vin de loin dans son silo ; mais là, t’entends, c’est tout de même du boire qu’a un ben bon goût.