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de ce vieillard régulier et doucement têtu, des vestiges de sang paysan, un relent d’ancienne caque ! et mille petits détails lui revinrent tels que les reproches de sa femme alors qu’il rapportait, autrefois, un bibelot ou des livres payés cher.

Obsédé par cette idée fixe, il rapportait ce souci du ménage qu’il admirait autrefois à des instincts de cupidité maintenant mûre. À se raisonner ainsi, à se remâcher sans cesse les mêmes réflexions, dans la solitude, il finit par se fausser l’esprit et par attribuer à des faits sans importance une valeur énorme.

Moi-même je change, se dit-il, un matin, en se regardant dans une petite glace ; sa peau jaunissait, ses yeux se ridaient, des poils blancs salaient sa barbe ; sans être très grand, il avait toujours eu le corps un peu penché, voilà maintenant qu’il se voûtait.

Bien qu’il ne fût guère épris de sa personne, il s’attrista de se voir si vieux à trente ans. Il se sentit fini, lui et sa femme, vidés jusqu’aux moelles, inaptes à tout effort de volonté, incapables de tout ressort.

De son côté, Louise s’excédait, malade, faible, effarée par cette maladie sans remède qui la minait. Lasse d’abandon, elle ne pensait plus que pour s’irriter de ne voir arriver aucun argent. Elle