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— Mon opinion, la voici, ton oncle est une vieille ficelle, dit Jacques à sa femme lorsqu’ils furent seuls.

Et aussitôt elle s’exaspéra, reprochant à ses parents cette hospitalité qui consistait à prêter une chambre qui ne leur appartenait même pas et elle débita, pour la première fois, ses griefs, révélant que Norine offrait des pommes de terre et des prunes à cochons, mais jamais une pêche, parce que ce fruit-là se vendait à Provins, tous les samedis. Non, on n’invite pas les gens lorsqu’on veut les laisser se nourrir à leurs frais ; et ils sont riches, très riches, je le sais, conclut-elle, énumérant les terres qu’ils possédaient, à cinq lieues à la ronde.

Jacques demeura surpris par la soudaine âpreté de ces reproches.

— Ne nous emballons pas, fit-il, cela n’en vaut pas la peine ; une seule chose m’ennuie, c’est la maladresse de ces grigous ; s’ils avaient volé un certain nombre de litres, le malheur ne serait pas grand, mais ils ont gâté ceux qu’ils nous laissent avec de l’eau, pour cacher leurs fraudes !

— Norine ne l’emportera pas en paradis, conclut sa femme.

— Oui… mais… reprit Jacques, en hésitant, ils ont sans doute payé leur Bénoni. Pouvons-nous les rembourser tout de suite ?