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presque derrière moi, le pays noir et vert de Longueville, avec ses tourbières et ses arbres ; enfin, traversant ainsi qu’une bande de craie le sol labouré du cirque, la monotone et plate route qui mène à Bray.

Il releva la tête et sonda l’horizon.

En haut, au-dessus de Tachy, le ciel bruinait en une imperceptible limaille d’un bleu très pâle, presque lilas comme ces poudres que blutent les firmaments chauffés, le matin, et dont le ton, dans l’après-midi, se fonce. Les arbres qui clôturaient la vue s’étendaient en masses confuses, d’un gris souris, atténué par la cendre mauve qui tremblait dans l’air ; et peu à peu cette cendre se dispersa, et les troncs apparurent en une haie sombre, mais les cimes demeurèrent encore émoussées, sans aucun vert ; plus bas s’étageaient, les uns sous les autres, des champs pareils à des tapis, jaspés de feuille morte, tavelés de rouille, et d’interminables routes montaient, filant jusqu’aux pieds des futaies, séparant, telles que des bandes de linge, ces carrés de laines teintes.

Puis, au-dessus de l’horizon, derrière les touffes informes des bois, une grande nuée blanche s’élevait, croissant à mesure, puis s’écardant et volant de même que des bouffées de chemin de fer dans le ciel qui passait par d’infinies dégradations du