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que celle d’Esther, car la soirée qui précéda mon départ pour le vieil astre, j’ai regardé les étoiles et la Lune et je ne souviens qu’à ce moment je me rappelais nettement les détails des cartes sélénographiques que je possède.

Et, au travers de ces réflexions, à bâtons rompus, il se remémora tout à coup qu’il fallait, pour les besoins du ménage, tirer de l’eau.

Il s’achemina vers le puits et jugea que le treuil eût avantageusement figuré parmi les instruments de torture du moyen âge ; il fallait se pendre après lui, s’arc-bouter, en tournant la manivelle, pour empêcher la dégringolade effarée du seau dans l’abîme, de peur de détacher la corde retenue par un seul clou dans le tambour en bois du treuil ; puis il fallait tourner en sens inverse et remonter, la tête abasourdie par les cris de la poulie sèche, le seau qui pesait bien cent livres. Il tournait, tournait, éreinté, regardant la corde, espérant qu’elle remonterait enfin mouillée du trou, annonçant ainsi l’imminente arrivée du seau.

Cela n’en finissait pas. — C’est curieux, tout de même, se dit-il, le poids me semble plus léger que d’habitude ; — ah ! voici la corde, elle n’est pas trempée ! — Il atteignit le seau qui apparaissait au ras des margelles ; il était vide.