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solide, experte à diriger un ménage, une femme qui fût une servante de curé et avec cela une maîtresse qui n’imposât pas à son amant de trop longs jeûnes ! eh oui ! il en souffrait à la fin des fins de cette abstinence de la chair que la maladie de sa femme lui faisait subir !

Il ne la détesterait pas un peu forte, pas trop rose de peau cependant, cette maîtresse, il la voudrait…

Ah çà, mais je deviens simplement ignoble ! se dit-il, comme réveillé tout à coup d’un songe, regardant Louise qui souffrait, en fermant les yeux. Il demeura ébahi de ce fulminate d’ordures qui éclatait soudain en lui, car il aimait sincèrement sa femme et il eût donné tout ce qu’il possédait pour la guérir.

À l’idée qu’il pouvait la perdre, des sanglots lui montèrent aux lèvres ; il se pencha vers elle et l’embrassa, comme pour la dédommager de cette involontaire explosion d’égoïsme, comme pour se démentir à lui-même la bassesse de ses réflexions.

Elle lui sourit — et elle-même, à ce moment-là, retournait en arrière dans sa vie, pleurait sur la misère de son corps, sur son existence perdue, désorbitée par les approches de la misère.

Elle s’affirmait que son mari ne serait jamais apte à rien. Certes, elle ne pouvait se plaindre ;