Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/311

Cette page a été validée par deux contributeurs.

connaissait un homme capable d’apprécier la délicatesse d’une phrase, le subtil d’une peinture, la quintessence d’une idée, un homme dont l’âme fût assez chantournée, pour comprendre Mallarmé et aimer Verlaine ?

Où, quand, dans quel monde devait-il sonder pour découvrir un esprit jumeau, un esprit détaché des lieux communs, bénissant le silence comme un bienfait, l’ingratitude comme un soulagement, la défiance comme un garage, comme un port ?

Dans le monde où il avait vécu, avant son départ pour Fontenay ? — Mais la plupart des hobereaux qu’il avait fréquentés, avaient dû, depuis cette époque, se déprimer davantage dans les salons, s’abêtir devant les tables de jeux, s’achever dans les lèvres des filles ; la plupart même devaient s’être mariés ; après avoir eu, leur vie durant, les restants des voyous, c’était leurs femmes qui possédaient maintenant les restes des voyoutes, car, maître des prémices, le peuple était le seul qui n’eût pas du rebut !

Quel joli chassé-croisé, quel bel échange que cette coutume adoptée par une société pourtant bégueule ! se disait des Esseintes.

Puis, la noblesse décomposée était morte ; l’aristocratie avait versé dans l’imbécillité ou dans l’ordure ! Elle s’éteignait dans le gâtisme de ses descendants dont les facultés baissaient à chaque génération et aboutissaient à des instincts de gorilles fermentés dans des