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maladie dont tout le côté spirituel échappait à la force chimique des remèdes ; et, impatienté par les récriminations de son malade, il avait, une dernière fois, déclaré qu’il se refusait à lui continuer ses soins s’il ne consentait pas à changer d’air, à vivre dans de nouvelles conditions d’hygiène.

Des Esseintes s’était aussitôt rendu à Paris, avait consulté d’autres spécialistes, leur avait impartialement soumis son cas, et, tous ayant, sans hésiter, approuvé les prescriptions de leur confrère, il avait loué un appartement encore inoccupé dans une maison neuve, était revenu à Fontenay et, blanc de rage, avait donné des ordres pour que le domestique préparât les malles.

Enfoui dans son fauteuil, il ruminait maintenant sur cette expresse observance qui bouleversait ses plans, rompait les attaches de sa vie présente, enterrait ses projets futurs. Ainsi, sa béatitude était finie ! ce havre qui l’abritait, il fallait l’abandonner, rentrer en plein dans cette intempérie de bêtise qui l’avait autrefois battu !

Les médecins parlaient d’amusement, de distraction ; et avec qui, et, avec quoi, voulaient-ils donc qu’il s’égayât et qu’il se plût ?

Est-ce qu’il ne s’était pas mis lui-même au ban de la société ? est-ce qu’il connaissait un homme dont l’existence essayerait, telle que la sienne, de se reléguer dans la contemplation, de se détenir dans le rêve ? est-ce qu’il