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de nombreuses et de différentes épithètes pour en dégager toutes les faces, toutes les nuances, s’il avait été simplement indiqué par son nom technique. Il parvenait ainsi à abolir l’énoncé de la comparaison qui s’établissait, toute seule, dans l’esprit du lecteur, par l’analogie, dès qu’il avait pénétré le symbole, et il se dispensait d’éparpiller l’attention sur chacune des qualités qu’auraient pu présenter, un à un, les adjectifs placés à la queue leu-leu, la concentrait sur un seul mot, sur un tout, produisant, comme pour un tableau par exemple, un aspect unique et complet, un ensemble.

Cela devenait une littérature condensée, un coulis essentiel, un sublimé d’art ; cette tactique d’abord employée d’une façon restreinte, dans ses premières œuvres, Mallarmé l’avait hardiment arborée dans une pièce sur Théophile Gautier et dans l’Après-midi du faune, une églogue, où les subtilités des joies sensuelles se déroulaient en des vers mystérieux et câlins que trouait tout à coup ce cri fauve et délirant du faune :

« Alors m’éveillerai-je à la ferveur première,
« Droit et seul sous un flot antique de lumière,
« Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité. »

Ce vers qui avec le monosyllabe lys ! en rejet, évoquait l’image de quelque chose de rigide, d’élancé, de blanc, sur le sens duquel appuyait encore le substantif ingénuité mis à la rime, exprimait allégoriquement, en un seul terme, la passion, l’effervescence, l’état