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tables, en tous cas, peu graves, puisqu’en somme il aimait ces objets et n’en dépravait pas l’usage ; il se berçait ainsi de pensées prudentes et lâches, la suspicion de son âme lui interdisant des crimes manifestes, lui enlevant la bravoure nécessaire pour accomplir des péchés épouvantables, voulus, réels.

Peu à peu enfin, ces arguties s’évanouirent. Il vit, en quelque sorte, du haut de son esprit, le panorama de l’Église, son influence héréditaire sur l’humanité, depuis des siècles ; il se la représenta, désolée et grandiose, énonçant à l’homme, l’horreur de la vie, l’inclémence de la destinée ; prêchant la patience, la contrition, l’esprit de sacrifice ; tâchant de panser les plaies, en montrant les blessures saignantes du Christ ; assurant des privilèges divins, promettant la meilleure part du paradis aux affligés ; exhortant la créature humaine à souffrir, à présenter à Dieu, comme un holocauste, ses tribulations et ses offenses, ses vicissitudes et ses peines. Elle devenait véritablement éloquente, maternelle aux misérables, pitoyable aux opprimés, menaçante pour les oppresseurs et les despotes.

Ici, des Esseintes reprenait pied. Certes, il était satisfait de cet aveu de l’ordure sociale, mais alors, il se révoltait contre le vague remède d’une espérance en une autre vie. Schopenhauer était plus exact ; sa doctrine et celle de l’Église partaient d’un point de vue commun ; lui aussi se basait sur l’iniquité et sur la turpitude du monde, lui aussi jetait avec l’Imitation de