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dans un livre. Quant à la Gourmandise et à la Paresse, elles semblaient pouvoir s’incarner plutôt en des personnages épisodiques et convenir mieux à des comparses qu’à des chefs d’emploi ou à des premières chanteuses de romans de mœurs.

La vérité est que l’Orgueil eût été le plus magnifique des forfaits à étudier, dans ses ramifications infernales de cruauté envers le prochain et de fausse humilité, que la Gourmandise remorquant à sa suite la Luxure et la Paresse, le Vol, eussent été matière à de surprenantes fouilles, si l’on avait scruté ces péchés avec la lampe et le chalumeau de l’Église et en ayant la Foi ; mais aucun de nous n’était préparé pour cette besogne ; nous étions donc acculés à remâcher le méfait le plus facile à décortiquer de tous, le péché de Luxure, sous toutes ses formes ; et Dieu sait si nous le remâchâmes ; mais cette sorte de carrousel était court. Quoi qu’on inventât, le roman se pouvait résumer en ces quelques lignes : savoir pourquoi monsieur Un tel commettait ou ne commettait pas l’adultère avec madame Une telle ; si l’on voulait être distingué et se déceler, ainsi qu’un auteur du meilleur ton, l’on plaçait l’œuvre de chair entre une marquise et un comte ; si l’on voulait, au contraire, être un écrivain populacier, un prosateur à la coule, on la campait entre un soupirant de barrière et une fille quelconque ; le cadre seul différait. La distinction me paraît avoir prévalu maintenant dans les bonnes grâces du lecteur, car je vois qu’à l’heure actuelle il ne se repaît guère des amours plébéiennes ou bourgeoises, mais continue à savourer les hésitations de la marquise, allant rejoindre son tentateur dans un petit entresol dont l’aspect change suivant la mode tapissière du temps. Tombera ? Tombera pas ? cela s’intitule étude psychologique. Moi je veux bien.

J’avoue pourtant que, lorsqu’il m’arrive d’ouvrir un livre