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Essais

dans le monde, il y eût un monarque assez sage pour s’ériger en législateur, & que le peuple, gouverné selon les loix, ne dépendît jamais de la volonté arbitraire des magistrats, sujets, comme lui, du même souverain ; dans cette sorte d’état, dis je, les sciences & les arts pourroient commencer. Mais cette supposition est manifestement contradictoire.

Il peut arriver que dans son enfance une république n’ait pas plus de loix qu’une monarchie barbare, & que l’autorité dont ses juges & ses magistrats jouissent, ne soit pas moins absolue. Mais outre que cette autorité est considérablement réfrénée par les fréquentes élections où le peuple donne son suffrage, il est impossible qu’on ne sente avec le tems, combien il est nécessaire, pour la conservation de la liberté, de borner ces magistrats : & dès lors on aura des loix & des statuts. Il y eut un tems où les consuls de Rome jugeoient de toutes les causes en dernier ressort, & sans être astreints à des loix positives : mais à la fin le peuple, à qui ce joug pesoit, créa les Décemvirs : ceux-ci