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Essais

sublime & de pathétique qui couloient de leur bouche, ils enlevoient tellement leur auditoire, qu’on n’avoit pas le tems de s’appercevoir de l’artifice par lequel on étoit trompé. Disons mieux, on n’étoit pas trompé : l’orateur, entraîné par la force de son génie & de son éloquence, entroit lui-même en passion : ce n’est qu’après avoir senti lui-même les transports d’indignation, de pitié & de douleur, qu’il faisoit passer ces mouvemens impétueux dans l’ame de ceux qui l’écoutoient.

Quelqu’un prétendroit-il avoir plus de bon sens que n’en eut Jules-César ? Cependant ce fier conquérant, subjugué par les charmes de l’éloquence de Cicéron, ne fut-il pas forcé, en quelque maniere, de changer de dessein & d’absoudre un criminel, qu’avant que d’avoir entendu le discours de l’orateur, il étoit fermement résolu de condamner ?

Mais malgré les brillans succès de Cicéron, j’avoue pourtant qu’on peut trouver à redire à quelques-unes des ses périodes. Il est souvent trop fleuri, & trop rhéteur :