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Essais

manger sans crime. On concevra pas comment un morceau de terre ou un bâtiment qui étoient hier profanes sont aujourd’hui devenus sacrés par la vertu de quelques paroles qui ont été prononcées. On peut dire que de tels réflexions sont peu convenables dans la bouche d’un philosophe, car elle doivent se présenter du premier coup d’œil à tout homme qui a le sens commun, et si elle ne se présentent point d’elles-mêmes à tous généralement, c’est qu’elles ont été étouffées moins par l’erreur ou par l’ignorance naturelle, que par l’éducation, par les préjugés et par la passion.

En considérant les choses superficiellement, ou plutôt en se livrant à des réflexions trop arbitraires, on soupçonneroit peut-être qu’il rentre aussi un peu de cette superstition dans tous les axiomes de la justice, et l’on verroit qu’en soumettant les loix de la propriété à l’examen du bon sens et de la raison, les recherches les plus exactes n’en feroient point découvrir de fondement dans le sentiment moral. La loi me permet de me nourrir du fruit d’un tel arbre, mais je de-