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Essais

besoins particuliers de chaque société. Les loix ont ou doivent avoir un rapport constant avec la constitution de chaque gouvernement, avec la nature du climat, avec la religion, les mœurs, le commerce & la situation de chaque société. Un auteur moderne d’un grand génie, & qui avoit des lumieres très-étendues, a traité au long cette matiere, & d’après, ces principes, il a tracé le meilleur systême de politique qui ait encore été établi parmi les hommes[1].

  1. L’auteur de l’Esprit des Loix. Cependant cet illustre auteur a un systême fort différent du mien : il suppose que tout droit est fondé sur de certains rapports ou relations abstraites, systême qui selon moi ne s’accordera jamais avec la saine philosophie. Le pere Mallebranche me paroît être le premier qui a donné naissance à cette théorie de morale seche ; elle fut ensuite adoptée, par le docteur Clarke & par d’autres philosophes ; comme elle exclud tout sentiment, & qu’elle prétend fonder tout sur la raison, elle n’a pas manqué de sectateurs dans le siecle philosophique où nous vivons. (Voyez section I. de l’addition I.) Il est aisé de détruire ce systême par rapport à la justice dont il est question ici. En effet on convient que la propriété ne peut dépendre que des loix civiles : on convient que les loix civiles n’ont pour objet que l’intérêt de la société, il faut donc aussi convenir que l’intérêt de la société doit être le seul fonde-