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de Morale.

dépeint, au contraire, la seconde, comme un état de guerre & de violence accompagné de la derniere nécessité. Les romanciers de l’état de nature nous disent que, dans la premiere origine du genre humain, l’ignorance & la férocité prévaloient au point qu’il n’y avoit nulle confiance mutuelle parmi les hommes ; chacun n’avoit d’autre appui que sa force & ses artifices. On ne connoissoit point de loi, point de regle de justice, en n’avoit nul égard pour la propriété, le pouvoir étoit la seule regle juridique, & une guerre continuelle de tous contre tous étoit le résultat de l’amour-propre & de la barbarie qui régnoient universellement[1].

  1. Ce n’est pas comme on le croit communément, Hobbes qui est le premier auteur de cette fiction d’un état de nature où tout étoit en guerre. Platon s’efforce de réfuter un systême tout semblable dans les 2, 3 & 5 livres de sa République. Cicéron, au contraire, suppose ce systême comme certain, & comme généralement reconnu, dans le beau passage qu’on va citer, c’est le seul que j’alléguerai en faveur de mes sentimens, & je n’imiterai point l’exemple de Puffendorf ni de Grotius qui regardent un vers d’Ovide, de Plaute ou de Petrone comme une preuve convaincante de chaque vérité morale, ni celui de M. Woolaston, qui a