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de Morale.

serions-nous ce sentiment à des êtres d’un ordre plus relevé ?

L’amour entre les deux sexes fait naître une complaisance & une bienveillance bien différente de l’assouvissement des desirs. La tendresse naturelle pour la progéniture suffit généralement dans tous les êtres sensibles, pour contrebalancer les mouvemens les plus forts de l’amour-propre, & n’en dépend en aucune façon. Quel peut être l’intérêt de cette tendre mere qui détruit sa santé par les soins qu’elle prodigue à son enfant malade, & qui délivrée enfin par sa mort de ces soins incommodes, tombe elle-même dans la langueur, & finit par mourir de chagrin ?

La reconnoissance n’est elle donc point un sentiment naturel au cœur de l’homme, & n’est-ce qu’un mot dépourvu de sens & de réalité ? Ne trouvons-nous pas plus de satisfaction dans la compagnie d’un homme que dans celle d’un autre, & ne desirons-nous plus le bonheur d’un ami quand l’absence ou la mort nous empêchent de le partager ? Et qu’est-ce qui nous le fait partager lors même que nous sommes vivans