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Essais

& la bonne humeur s’attirent de l’amour & de l’affection[1].

Je crois que la plupart des hommes seront

  1. L’amour & l’estime sont presque la même passion, & partent des mêmes causes ; les qualités qui les produisent toutes deux sont de la nature de celles qui inspirent du plaisir. Mais lorsque ce plaisir est austere & sérieux, lorsque son objet est grand & qu’il cause une forte impression, lorsqu’il produit en nous du respect & un sentiment d’humilité, dans tous ces cas, la passion qui naît de ce plaisir s’appelle plus particuliérement estime d’amour. Les deux sentimens sont accompagnés de bienveillance, elle est cependant plus étroitement liée avec l’amour qu’avec l’autre. Il paroit qu’il entre plus d’orgueil dans le mépris que d’humilité dans l’estime. Pour peu qu’on réfléchisse sur les passion, il est aisé d’en sentir la raison. Tous ces mélanges & toutes ces combinaisons de différens sentimens sont un sujet très-intéressant de spéculation, mais ils ne tiennent point à celui que nous traitons. Dans le cours de cette recherche nous considérons en général les qualités qui méritent la louange ou le blâme, sans entrer dans toutes les différences minutieuses des sentimens qu’elles excitent. Il est évident que l’on a de l’aversion pour tout ce qu’on méprise, aussi bien que pour tout ce qu’on hait, & nous ne voulons point entrer dans des réflexions plus compliquées. Les sciences morales paroissent toujours abstraites au commun des lecteurs, quelques précautions que l’on prenne pour les débarrasser de spéculations inutiles, & pour les mettre à la portée de tout le monde.