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de Morale.

réfléchissant à ses extravagances & a ses déréglemens passés, & ne ressent-on pas un déplaisir secret & de la honte quand la mémoire retrace des circonstances dans lesquelles on s'est conduit d'une maniere absurde & ridicule ? Le tems n'est point capable d'effacer les idées cruelles que laissent à un homme sa mauvaise conduite, & les affronts que lui ont attirés sa lâcheté ou son imprudence. Ces idées le poursuivent jusques dans ses moments de solitude, elles flétrissent tous les désirs de son cœur, & font qu’il se voit lui-même sous les couleurs les plus odieuses & les plus méprisables. Est-il rien que nous cachions aux autres avec plus de soins ou sur quoi nous redoutions plus la raillerie & la satire que nos erreurs, nos foiblesses & nos petitesses ? Notre bravoure ou notre savoir, notre esprit, notre éducation, notre éloquence, notre adresse, notre goût & nos talens ne sont-ils pas les principales sources de notre vanité ? Nous prenons plaisir d'étaler ces choses, souvent avec ostentation, & communément nous marquons plus d'ambition d’y exceller même