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Dissertation.

connu ; quand on n’auroit ni méthode, ni principes, ni modèles, pour juger des beautés de cette espece ; cela n’empêcheroit pas qu’il n’y eût des goûts plus ou moins rafinés, & que l’on ne dût préférer les uns aux autres ; mais comment réduire au silence un critique ignorant, résolu de ne point démordre de son avis, & de ne jamais céder ? il faut pour cela pouvoir produire un principe qu’il n’ose contester : il faut éclaircir ce principe par des exemples, où de son propre aveu la beauté est conforme aux regles : enfin il faut lui montrer que dans le cas dont on veut le faire convenir, les mêmes regles ont lieu, quoiqu’il ne s’en soit-pas apperçu. De tout cela il conclura qu’il ne doit s’en prendre qu’à lui-même, & qu’il n’a pas le goût délicat pour sentir tout ce qui est beau dans un ouvrage, & tout ce qui ne l’est pas.

La perfection de nos sens & de nos facultés consiste à saisir jusques aux plus légères nuances, & à ne rien laisser échapper. L’excellence de l’organe du goût ne mesure pas par la force des saveurs qu’il peut supporter, mais, par cette sensibilité qui distingue jus-