Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 3, 1788.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
Histoire naturelle.

mériques, il ne nous est presque pas possible d’imaginer une situation, qui puisse nous fixer, & qui ne nous laisse plus rien à desirer : la coupe de la vie nous est versée des deux tonneaux que le poëté place à la droite & à la gauche de Jupiter : ou s’i, arrive que nous la buvions pure : le même poëte nous dira qu’elle est tirée du tonneau gauche.

Nous ne faisons, pour ainsi dire, qu’effleurer les biens : plus un bien est exquis, plus aussi le mal qui l’accompagne est violent ; c’est ici une de ces loix de la nature qui ne souffrent que peu d’exceptions. L’esprit le plus pénétrant est voisin de la folie ; les plus grands éclats de joie touchent à la plus profonde mélancolie ; les plaisir les plus ravissans sont suivis de la fatigue & des dégoûts les plus cruels ; à l’espoir le plus flatteur succedent les traverses les plus accablantes. En général, il n’y a point de vie plus passable, car pour la vie heureuse, il n’y faut point songer, il n’y a point de vie plus passable que celle d’un homme modéré, qui garde, autant qu’il est possible, un juste équilibre,