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Histoire naturelle.

nous les devions d’avance, soit à la société, soit à nous mêmes : en observant tous ces devoirs, le superstitieux ne croit pas encore avoir, à proprement parler, agi pour l’amour de son dieu, il croit n’avoir rien fait qui puisse lui mériter une protection spéciale : il ne pense pas que le service le plus agréable aux yeux de la divinité, c’est de faire le bonheur des créatures, qui sont l’ouvrage de ses mains ; il lui faut un culte plus immédiat, pour calmer les frayeurs qui l’obsedent ; la pratique la plus contraire à ses penchans, voilà ce qu’il lui faut, il s’y adonnera par les raisons même qui devroient l’en éloigner ; elle lui paroîtra d’autant plus pure qu’elle n’est fondée sur aucun motif, & que par elle-même elle n’est bonne à rien. Plus il sacrifie de ses aises, plus il montre de zele & de dévotion ; plus sa conduite lui paroît méritoire : rendre un dépôt, payer ses dettes, ce ne sont-là que des actes de justice, dont sa divinité ne sauroit lui tenir compte, des actes dont on ne peut se dispenser, & que bien des gens pratiqueroient quand il n’y auroit point de dieu ; mais jeûner du matin au soir