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à se préoccuper d’une condamnation de plus ou de moins. Ce qui, d’ailleurs, dans toutes ces affaires, paraît l’avoir le plus offusqué, c’est que le ministère public « lui refusa toujours le titre de Monsieur, que pourtant il accorda bien à M. Depradt ». Ledit M. Depradt n’était autre que l’archevêque de Malines.

Au milieu de ses tribulations, Corréard avait eu cependant une consolation. Sans parler de l’estime et de la pitié que ses concitoyens accordèrent à sa personne et à ses malheurs, une souscription publique avait été ouverte en faveur des Naufragés de la Méduse retrouvés sur le radeau et sur la frégate. Les personnages les plus illustres de tous les partis tinrent à honneur d’y figurer. Je relève sur la liste les noms suivants : S. A. R. le duc de Berry, le duc d’Orléans (depuis Louis-Philippe), le baron de Staël, le duc de La Rochefoucault-Liancourt, le général Lafayette, Lafitte, banquier, membre de la Chambre des députés, Benjamin Constant, Casimir Delavigne, la princesse de Wagram, Manuel, avocat (sans doute le célèbre député de Barcelonnette), M. du Bois Aymé, dont la famille s’est apparentée à celle de nos confrères Itier de Véras, etc., etc. Le montant total de la souscription atteignit 17.252 francs, somme qui, même pour l’époque, ne saurait être considérée comme très élevée, et qui dut apporter aux bénéficiaires plus de satisfaction d’amour propre que de véritable réconfort. Elle ne suffit point, en tout cas, pour permettre à Corréard de solder les condamnations pécuniaires qu’il encourut. Car il va sans dire qu’il s’obstina à ne point payer les amendes qui lui avaient été infligées. Il subit donc, outre la saisie des ouvrages déclarés séditieux, la contrainte par corps et fut écroué à Sainte-Pélagie. « Si l’on m’objecte, écrit-il, que, malgré tous mes maux, je ne suis pas mort en prison, je répondrai que je ne suis pas mort non plus sur le radeau. »

Corréard parait, toutefois, avoir, en prison, fait de salutaires réflexions et s’être assagi. Ses dernières années furent tranquilles. Il partageait son temps entre la lecture de son auteur favori, Jean-Jacques Rousseau, qu’il cite à