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Il va par vaux et par monts, il court devant lui, il sait depuis l’enfance supporter la faim, la soif et le froid, il porte un gros bonnet de poil sur la tête, un jupon de laine sur le ventre, deux peaux de boucs sur les cuisses, sur le dos un manteau de peaux de rats cousues ensemble. Il ne saurait combattre à pied. Ses jambes, alourdies par de grandes bottes, ne peuvent marcher et le clouent à sa selle, de sorte qu’il ne fait qu’un avec son cheval, lequel est agile et vigoureux, mais petit et laid. Il vit à cheval, il traite à cheval, il achète et vend à cheval, il boit et mange à cheval, il dort et rêve à cheval.

« Il ne laboure point la terre, il ne cultive pas les champs, il ne sait ce que c’est qu’une charrue. Il erre toujours, comme s’il cherchait une patrie et un foyer. Si vous lui demandez d’où il est, il ne saura que répondre. Il est ici aujourd’hui, mais hier il était là ; il a été élevé là-bas, mais il est né plus loin.

« Quand la bataille commence, il pousse un hurlement terrible, arrive, frappe, disparaît et revient comme l’éclair. En un instant il emporte et pille le camp assailli. Il combat de près avec le sabre, et de loin avec une longue lance dont la pointe est artistement emmanchée. »

Ceci est l’homme du nord. Par qui a-t-il été esquissé, à quelle époque et d’après qui ? Sans doute en 1814, par quelque rédacteur effrayé du moniteur, d’après le cosaque, dans le temps où la France pliait ? Non, ce tableau a été fait d’après le hun, en 375, par Ammien Marcellin et Jordanis [1], dans le temps où Rome tombait. Quinze cents ans se sont écoulés, la figure a reparu, le portrait ressemble encore.

Notons en passant que les huns de 375, comme les cosaques de 1814, venaient des frontières de la Chine.

L’homme du midi change, se transforme et se développe, fleurit et fructifie, meurt et renaît comme la végétation ; l’homme du nord est éternel comme la neige.

Deuxième ressemblance. En Russie comme en Turquie rien n’est définitivement acquis à personne, rien n’est tout à fait possédé, rien n’est nécessairement héréditaire. Le russe, comme le turc, peut, d’après la volonté ou le caprice

  1. Voyez Jordanis, 24. Ammien Marcellin, 12.