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dans les mille ans de son histoire moderne, a été possédée une fois par le génie de la France, sous Charlemagne, et une fois par le génie de l’Espagne, sous Charles-Quint. Seulement, Charles-Quint mort, l’Espagne n’avait pas lâché l’Allemagne.

Comme on voit, l’Espagne avait quelque chose de plus puissant encore que sa puissance, c’était sa politique. La puissance est le bras, la politique est la main.

L’Europe, on le conçoit, était mal à l’aise entre ces deux empires gigantesques, qui pesaient sur elle du poids de deux mondes. Comprimée par l’Espagne à l’occident et par la Turquie à l’orient, chaque jour elle semblait se rétrécir ; et la frontière européenne, lentement repoussée, reculait vers le centre. La moitié de la Pologne et la moitié de la Hongrie étaient déjà envahies, et c’est à peine si Varsovie et Bude étaient en deçà de la Barbarie. L’ordre méditerranéen de Saint-Jean-de-Jérusalem avait été refoulé sous Charles-Quint de Rhodes à Malte. Gênes, dont la domination atteignait jadis le Tanaïs, Gênes, qui autrefois possédait Chypre, Lesbos, Chio, Péra et un morceau de la Thrace, et à laquelle l’empereur d’Orient avait donné Mitylène, avait successivement lâché pied devant les turcs de position en position, et se voyait maintenant acculée à la Corse.

L’Europe résistait pourtant aux deux états envahisseurs. Elle bandait contre eux toutes ses forces, pour employer l’énergique langue de Sully et de Mathieu. La France, l’Angleterre et la Hollande se roidissaient contre l’Espagne ; le Saint-Empire, aidé par la Pologne, la Hongrie, Venise, Rome et Malte, luttait contre les turcs.

Le roi de Pologne était pauvre, quoiqu’il fût plus riche que s’il eût été roi d’un des trois royaumes d’écosse, de Sardaigne ou de Navarre, lesquels ne rapportaient pas cent mille écus de rente ; il avait six cent mille écus par an, et la Lithuanie le défrayait. Excepté quelques régiments suisses ou allemands, il n’entretenait pas d’infanterie ; mais sa cavalerie, composée de cent mille combattants polonais et de soixante-dix mille lithuaniens, était excellente. Cette cavalerie, protégeant une vaste frontière, avait cela d’efficace pour défendre contre les hordes du