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c’est une ferme. Poules, oies, dindons, fumier ; charrette dans un coin ; une cuve à chaux. Une porte s’ouvre. La cascade apparaît.

Spectacle merveilleux !

Effroyable tumulte ! Voilà le premier effet. Puis on regarde. La cataracte découpe des golfes qu’emplissent de larges squames blanches. Comme dans les incendies, il y a de petits endroits paisibles au milieu de cette chose pleine d’épouvante ; des bosquets mêlés à l’écume ; de charmants ruisseaux dans les mousses ; des fontaines pour les bergers arcadiens de Poussin, ombragées de petits rameaux doucement agités. ― Et puis ces détails s’évanouissent, et l’impression de l’ensemble vous revient. Tempête éternelle. Neige vivante et furieuse.

Le flot est d’une transparence étrange. Des rochers noirs dessinent des visages sinistres sous l’eau. Ils paraissent toucher la surface et sont à dix pieds de profondeur. Au-dessous des deux principaux vomitoires de la chute, deux grandes gerbes d’écume s’épanouissent sur le fleuve et s’y dispersent en nuages verts. De l’autre côté du Rhin, j’apercevais un groupe de maisonnettes tranquilles, où les ménagères allaient et venaient.

Pendant que j’observais, mon guide me parlait. ― Le lac de Constance a gelé dans l’hiver de 1829 à 1830. Il n’avait pas gelé depuis cent quatre ans. On y passait en voiture. De pauvres gens sont morts de froid à Schaffhouse. ―

Je suis descendu un peu plus bas, vers le gouffre. Le ciel était gris et voilé. La cascade fait un rugissement de tigre. Bruit effrayant, rapidité terrible. Poussière d’eau, tout à la fois fumée et pluie. À travers cette brume on voit la cataracte dans tout son développement. Cinq gros rochers la coupent en cinq nappes d’aspects divers et de grandeurs différentes. On croit voir les cinq piles rongées d’un pont de titans. L’hiver, les glaces font des arches bleues sur ces culées noires.

Le plus rapproché de ces rochers est d’une forme étrange ; il semble voir sortir de l’eau pleine de rage la tête hideuse et impassible d’une idole hindoue, à trompe d’éléphant. Des arbres et des broussailles qui s’entremêlent