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faisait reluire comme des châtaignes mûres. La seule chose qui animât le paysage, c’était la gouttière du toit voisin, espèce de gargouille en fer-blanc figurant une tête d’âne à bouche ouverte, d’où la pluie tombait à flots ; une pluie jaune et sale qui venait de laver les tuiles et qui allait laver le pavé. Il est triste qu’une chose prenne la peine de tomber du ciel sans autre résultat que de changer la poussière en boue.

J’étais retenu au gîte ; le gîte était médiocrement plaisant. Que faire ? La Fontaine a fait le vers de la circonstance. Je songeais donc. Par malheur, j’étais dans une de ces situations d’âme que vous connaissez sans doute, où l’on n’a aucune raison d’être triste et aucun motif d’être gai ; où l’on est également incapable de prendre le parti d’un éclat de rire ou d’un torrent de larmes ; où la vie semble parfaitement logique, unie, plane, ennuyeuse et triste ; où tout est gris et blafard au dedans comme au dehors. Il faisait en moi le même temps que dans la rue, et, si vous me permettiez la métaphore, je dirais qu’il pleuvait dans mon esprit. Vous le savez, je suis un peu de la nature du lac ; je réfléchis l’azur ou la nuée. La pensée que j’ai dans l’âme ressemble au ciel que j’ai sur la tête.

En retournant son œil, ― passez-moi encore cette expression, ― on voit un paysage en soi. Or, en ce moment-là le paysage que je pouvais voir en moi ne valait guère mieux que celui que j’avais sous les yeux.

Il y avait deux ou trois armoires dans la chambre. Je les ouvris machinalement, comme si j’avais eu chance d’y trouver quelque trésor. Or, les armoires d’auberge sont toujours vides ; une armoire pleine, c’est l’habitation permanente. N’a pas de nid qui passe. Je ne trouvai donc rien dans les armoires.

Pourtant, au moment où je refermais la dernière, j’aperçus sur la tablette d’en haut je ne sais quoi qui me parut quelque chose. J’y mis la main. C’était d’abord de la poussière, et puis c’était un livre. Un petit livre carré comme les almanachs de Liège, broché en papier gris, couvert de cendre, oublié là depuis des années. Quelle bonne fortune ! Je secoue la poussière, j’ouvre au hasard.