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m’explique les paroles. Il y a une lucarne éclairée dans le beffroi et une autre dans les hautes flèches de la cathédrale. La lueur de ma chandelle illumine vaguement un grand drapeau blanc étoilé de zones bleues, qui est accroché au quai. On entend des éclats de rire, des cris, des bruits de portes qui se ferment, des cliquetis bizarres. Des ombres passent et repassent partout. Une joyeuse rumeur de guerre tient ce petit peuple éveillé. Cependant, sous le reflet des étoiles, le lac vient majestueusement murmurer jusqu’auprès de ma fenêtre toutes ces paroles de tranquillité, d’indulgence et de paix que la nature dit à l’homme. Je regarde se décomposer et se recomposer sur les vagues les sombres moires de la nuit. Un coq chante, et là-haut, là-haut à ma gauche, au-dessus de la cathédrale, entre les deux clochers noirs, Vénus étincelle comme la pointe d’une lance entre deux créneaux.

C’est qu’il y a une révolution à Zurich. Les petites villes veulent faire comme les grandes. Tout marquis veut avoir un page. Zurich vient de tuer son bourgmestre et de changer son gouvernement.

Moi, puisqu’ils m’ont éveillé, je profite de cela pour vous écrire, mon ami. Voilà ce que vous gagnerez à cette révolution.

Le jour se levait hier matin quand j’ai quitté Bâle. La route qui mène à Zurich côtoie pendant un demi-quart de lieue les vieilles tours de la ville. Je ne vous ai pas parlé des tours de Bâle ; elles sont pourtant remarquables, toutes de forme et de hauteur différentes, séparées les unes des autres par une enceinte crénelée appuyée sur un fossé formidable où la ville de Bâle cultive avec succès les pommes de terre. Du temps des arcs et des flèches, cette enceinte était une forteresse redoutable ; maintenant ce n’est plus qu’une chemise.

Les entrées de la ville sont encore ornées de ces belles herses du quatorzième siècle dont les dents crochues garnissent le haut des portes, si bien qu’en sortant d’une tour on croit sortir de la gueule d’un monstre. À propos, avant-hier, au plus haut de la flèche de Bâle, il y avait une gargouille qui me regardait fixement ; je me suis penché, je lui ai mis résolûment la main dans la gueule, il