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journal d’un voyageur authentiquement timbrées et datées par la poste.

De la part des grands écrivains, et il est inutile de citer ici d’illustres exemples qui sont dans toutes les mémoires, ces sortes de confidences ont un charme extrême ; le beau style donne la vie à tout ; de la part d’un simple passant, elles n’ont, nous le répétons, de valeur que leur sincérité. À ce titre, et à ce titre seulement, elles peuvent être quelquefois précieuses. Elles se classent, avec le moine de Saint-Gall, avec le bourgeois de Paris sous Philippe-Auguste, avec Jean de Troyes, parmi les matériaux utiles à consulter ; et, comme document honnête et sérieux, ont parfois plus tard l’honneur d’aider la philosophie et l’histoire à caractériser l’esprit d’une époque et d’une nation à un moment donné. S’il était possible d’avoir une prétention pour ces deux volumes, l’auteur n’en aurait pas d’autre que celle-là.

Qu’on n’y cherche pas non plus les aventures dramatiques et les incidents pittoresques. Comme l’auteur l’explique dès les premières pages de ce livre, il voyage solitaire sans autre objet que de rêver beaucoup et de penser un peu. Dans ces excursions silencieuses, il emporte deux vieux livres, ou, si on lui permet de citer sa propre expression, il emmène deux vieux amis, Virgile et Tacite ; Virgile, c’est-à-dire toute la poésie qui sort de la nature ; Tacite, c’est-à-dire toute la pensée qui sort de l’histoire.

Et puis, il reste, comme il convient, toujours et partout retranché dans le silence et le demi-jour, qui favorisent l’observation. Ici, quelques mots d’explication sont indispensables. On le sait, la prodigieuse sonorité de la presse française, si puissante, si féconde et si utile d’ailleurs, donne aux moindres noms littéraires de Paris un retentissement qui ne permet pas à l’écrivain, même le plus humble et le plus insignifiant, de croire hors de France à sa complète obscurité. Dans cette situation, l’observateur, quel qu’il soit, pour peu qu’il se soit livré quelquefois à la publicité, doit, s’il veut conserver entière son indépendance de pensée et d’action, garder l’incognito comme s’il était quelque chose et l’anonyme comme s’il était quelqu’un. Ces précautions, qui assurent au voyageur le bénéfice de l’ombre, l’auteur les a prises durant son excursion aux bords du Rhin, bien qu’elles fussent à coup sûr surabondantes pour lui et qu’il lui parût presque ridicule de les prendre. De cette façon, il a pu recueillir ses notes à son aise et en toute liberté, sans que rien gênât sa curiosité ou sa méditation dans cette promenade de