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Il y a une seconde belle église dans Andernach. Celle-ci est gothique. C’est une nef du quatorzième siècle aujourd’hui transformée en écurie de caserne et gardée par des cavaliers prussiens, le sabre au poing. Par la porte entr’ouverte on aperçoit une longue file de croupes de chevaux qui se perd dans l’ombre des chapelles. Au-dessus du portail on lit : Sancta Maria, ora pro nobis. Ce sont à présent les chevaux qui disent cela.

J’aurais voulu monter dans la curieuse tour que je vois de ma croisée, et qui est, selon toute apparence, l’ancienne vedette de la ville ; mais l’escalier en est rompu et les voûtes en sont effondrées. Il m’a fallu y renoncer. Du reste, la magnifique masure a tant de fleurs, de si charmantes fleurs, des fleurs disposées avec tant de goût et entretenues avec tant de soin à toutes les fenêtres, qu’on la croirait habitée. Elle est habitée en effet, habitée par la plus coquette et la plus farouche à la fois des habitantes, par cette douce fée invisible qui se loge dans toutes les ruines, qui les prend pour elle et pour elle seule, qui en défonce tous les étages, tous les plafonds, tous les escaliers, afin que le pas de l’homme n’y trouble pas les nids des oiseaux, et qui met à toutes les croisées et devant toutes les portes des pots de fleurs qu’elle sait faire, en fée qu’elle est, avec toute vieille pierre creusée par la pluie ou ébréchée par le temps.