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Une demi-heure après, j’étais sur la route d’Andernach, dont je ne m’étais éloigné que de cinq quarts de lieue.




Je ne comprends rien aux « touristes ». Ceci est un endroit admirable. Je viens de parcourir le pays, qui est superbe. Du haut des collines la vue embrasse un cirque de géants, du Siebengebürge aux crêtes d’Ehrenbreitstein. Ici, il n’y a pas une pierre des édifices qui ne soit un souvenir, pas un détail du paysage qui ne soit une grâce. Les habitants ont ce visage affectueux et bon qui réjouit l’étranger. L’auberge (l’Hôtel de l’Empereur) est excellente entre les meilleures d’Allemagne. Andernach est une ville charmante ; eh bien, Andernach est une ville déserte. Personne n’y vient. — On va où est la cohue, à Coblentz, à Bade, à Mannheim ; on ne vient pas où est l’histoire, où est la nature, où est la poésie, à Andernach.

Je suis retourné une seconde fois à l’église. L’ornementation byzantine des clochers est d’une richesse rare et d’un goût à la fois sauvage et exquis. Le portail méridional a des chapiteaux étranges et une grosse nervure-archivolte profondément fouillée. Le tympan à angle obtus porte une peinture byzantine du Crucifiement encore parfaitement visible et distincte. Sur la façade, à côté de la porte ogive, un bas-relief peint, qui est de la renaissance, représente Jésus à genoux, les bras effarés, dans l’attitude de l’épouvante. Autour de lui tourbillonnent et se mêlent, comme dans un songe affreux, toutes les choses terribles dont va se composer sa passion, le manteau dérisoire, le sceptre de roseau, la couronne à fleurons épineux, les verges, les tenailles, le marteau, les clous, l’échelle, la