Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que veut cet échafaudage à ce monument ? Le restaure-t-on ? le dégrade-t-on ? Je ne sais.

J’ai escaladé le soubassement, et en me tenant aux charpentes, par une des quatre ouvertures pratiquées dans le dé, j’ai regardé dans le tombeau. C’était une petite chambre quadrangulaire, nue, sinistre et froide. Un rayon de la lune, en entrant par une des crevasses, y dessinait dans l’ombre une forme blanche, droite et debout contre le mur.

Je suis entré dans cette chambre par l’étroite meurtrière en baissant la tête et en me traînant sur les genoux. Là, j’ai vu au centre du pavé un trou rond, béant, plein de ténèbres. C’est par ce trou sans doute qu’on avait autrefois descendu le cercueil dans le caveau inférieur. Une corde y pendait et s’y perdait dans la nuit. Je me suis approché. J’ai hasardé mon regard dans ce trou, dans cette ombre, dans ce caveau ; j’ai cherché le cercueil ; je n’ai rien vu.

À peine ai-je distingué le vague contour d’une sorte d’alcôve funèbre, taillée dans la voûte, qui se dessinait dans la pénombre.

Je suis resté là longtemps, l’œil et l’esprit vainement plongés dans ce double mystère de la mort et de la nuit. Une sorte d’haleine glacée sortait du trou du caveau comme d’une bouche ouverte.

Je ne pourrais dire ce qui se passait en moi. Cette tombe si brusquement rencontrée, ce grand nom inattendu, cette chambre lugubre, ce caveau habité ou vide, cet échafaudage que j’entrevoyais par la brèche du monument, cette solitude et cette lune enveloppant ce sépulcre, toutes ces idées se présentaient à la fois à ma pensée et la remplissaient d’ombres. Une profonde pitié me serrait le cœur. Voilà donc ce que deviennent les morts illustres exilés ou oubliés chez l’étranger. Ce trophée funèbre élevé par toute une armée est à la merci du passant. Le général français dort loin de son pays dans un champ de fèves, et des maçons prussiens font ce que bon leur semble à son tombeau.

Il me semblait entendre sortir de cet amas de pierres une voix qui disait : Il faut que la France reprenne le Rhin.