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est de Michel-Ange. Ceci me rappelle que j’ai vu à Aix-la-Chapelle, gisantes dans un angle du vieux cloître-cimetière, comme des troncs d’arbres qui attendent l’équarrisseur, ces fameuses colonnes de marbre antique prises par Napoléon et reprises par Blücher. Napoléon les avait prises pour le Louvre, Blücher les a reprises pour le charnier.

Une des choses que je dis le plus souvent dans ce monde, c’est : À quoi bon ?

Je n’ai vu dans toute cette dégradation que deux tombes un peu respectées et parfois époussetées, les cénotaphes des comtes de Schauenbourg. Les deux comtes de Schauenbourg sont un de ces couples qui semblent avoir été prévus par Virgile. Tous deux ont été frères, tous deux ont été archevêques de Cologne, tous deux ont été enterrés dans le même chœur, tous deux ont de fort belles tombes du dix-septième siècle dressées vis-à-vis l’un de l’autre. Adolphe regarde Antoine.

J’ai omis jusqu’ici à dessein, pour vous en parler avec quelque détail, la construction la plus vénérée que contienne la cathédrale de Cologne, le fameux tombeau des trois mages. C’est une assez grosse chambre de marbre de toutes couleurs, fermée d’épais grillages de cuivre ; architecture hybride et bizarre où les deux styles de Louis XIII et de Louis XV confondent leur coquetterie et leur lourdeur. Cela est situé derrière le maître-autel dans la chapelle culminante de l’abside. Trois turbans mêlés au dessin du grillage principal frappent d’abord le regard. On lève les yeux, et l’on voit un bas-relief représentant l’adoration des mages ; on les abaisse, et on lit ce médiocre distique :


Corpora sanctorum recubant hic terna magorum.
Ex his sublatum nihil est alibive locatum.


Ici une idée à la fois riante et grave s’éveille dans l’esprit. C’est donc là que gisent ces trois poétiques rois de l’orient qui vinrent, conduits par l’étoile, ab oriente venerunt, et qui adorèrent un enfant dans une étable, et procidentes adoraverunt. J’ai adoré à mon tour. J’avoue que rien au monde ne me charme plus que cette légende des Mille et une Nuits enchâssée dans l’évangile. Je me suis