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dôme, détruite en 1794, est remplacée par une pierre plate qui en marque l’emplacement à l’entrée du chœur. Un orgue donné par l’impératrice Joséphine affiche près de l’admirable voûte du quatorzième siècle le mauvais style de 1804. Voûte, piliers, chapiteaux, colonnettes, statues, tout le chœur est badigeonné.

Au milieu de cette abside déshonorée, le bec ouvert, l’œil irrité, les ailes à demi déployées, s’effare et frissonne l’aigle de bronze d’Othon III, transformé en lutrin, et tout indigné de porter le livre du plain-chant, lui qui a le globe du monde sous ses pieds.

On aurait dû pourtant respecter cet aigle. Quand Napoléon visita la Chapelle, au monde que portait dans ses serres l’aigle d’Othon on ajouta la foudre que j’ai vue encore aujourd’hui fixée aux deux côtés du globe impérial.

Le suisse dévisse ce tonnerre à la demande des curieux.

Sur le dos de cet aigle, comme par un triste et ironique pressentiment, le sculpteur du dixième siècle avait étendu une chauve-souris d’airain à face humaine, qui est là comme clouée et sur laquelle s’appuie maintenant le livre du lutrin.

À droite de l’autel est scellé le cœur de M. Antoine Berdolet, premier et dernier évêque d’Aix-la-Chapelle. Car cette église n’a jamais eu qu’un seul évêque, celui que Bonaparte avait nommé, et que son épitaphe qualifie primus Aquisgranensis episcopus. À présent, comme jadis, la Chapelle est administrée par un chapitre que préside un doyen avec le titre de prévôt.

Dans une salle sombre de la Chapelle, le suisse m’a encore ouvert une armoire. Là est le sarcophage de Charlemagne. C’est un magnifique cercueil romain en marbre blanc, sur la face antérieure duquel est sculpté du ciseau le plus magistral l’enlèvement de Proserpine. J’ai longtemps contemplé ce bas-relief, qui a deux mille ans. À l’extrémité de la composition, quatre chevaux frénétiques, à la fois infernaux et divins, conduits par Mercure, entraînent vers un gouffre entr’ouvert dans la plinthe un char sur lequel crie, lutte et se tord avec désespoir Proserpine saisie par Pluton. La main robuste du dieu presse la gorge