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ACTE II — LE BANDIT.

Don Carlos, souriant avec dédain.

Et d’un lâche ! Seigneur bandit, de vous à moi,
Pas de reproche !

Hernani.

Pas de reproche ! Il raille !… Oh ! je ne suis pas roi ;
Mais quand un roi m’insulte et pour surcroît me raille,
Ma colère va haut et me monte à sa taille,
Et, prenez garde, On craint, lorsqu’on me fait affront,
Plus qu’un cimier de roi la rougeur de mon front !
Vous êtes insensé si quelque espoir vous leurre.

Il lui saisit le bras.
Savez-vous quelle main vous étreint à cette heure ?

Écoutez. Votre père a fait mourir le mien,
Je vous hais. Vous avez pris mon titre et mon bien,
Je vous hais. Nous aimons tous deux la même femme,
Je vous hais, je vous hais, — oui, je te hais dans l’âme.

Don Carlos.

C’est bien.

Hernani.

C’est bien.Ce soir pourtant ma haine était bien loin.
Je n’avais qu’un désir, qu’une ardeur, qu’un besoin,
Doña Sol ! — Plein d’amour, j’accourais… Sur mon âme !
Je vous trouve essayant contre elle un rapt infâme !
Quoi ! vous que j’oubliais, sur ma route placé !
Seigneur, je vous le dis, vous êtes insensé !
Don Carlos, te voilà pris dans ton propre piége,
Ni fuite ni secours ! je te tiens et t’assiége !
Seul, entouré partout d’ennemis acharnés,
Que vas-tu faire ?

Don Carlos, fièrement.

Que vas-tu faire ? Allons ! vous me questionnez !

Hernani.

Va, va ! Je ne veux pas qu’un bras obscur te frappe.