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ACTE II — LE BANDIT.

Il ne peut être rien entre nous, don Carlos.
Mon vieux père a pour vous versé son sang à flots.
Moi, je suis fille noble, et de ce sang jalouse.
Trop pour la favorite, et trop peu pour l’épouse !

Don Carlos.

Princesse ?

Doña Sol.

Princesse ? Roi Carlos, à des filles de rien
Portez votre amourette, ou je pourrais fort bien,
Si vous m’osez traiter d’une façon infâme,
Vous montrer que je suis dame, et que je suis femme !

Don Carlos.

Eh bien, partagez donc et mon trône et mon nom.
Venez, vous serez reine, impératrice !…

Doña Sol.

Venez, vous serez reine, impératrice !…Non.
C’est un leurre. Et d’ailleurs, altesse, avec franchise,
S’agit-il pas de vous, s’il faut que je le dise,
J’aime mieux avec lui, mon Hernani, mon roi,
Vivre errante, en dehors du monde et de la loi,
Ayant faim, ayant soif, fuyant toute l’année,
Partageant jour à jour sa pauvre destinée,
Abandon, guerre, exil, deuil, misère et terreur,
Que d’être impératrice avec un empereur !

Don Carlos.

Que cet homme est heureux !

Doña Sol.

Que cet homme est heureux ! Quoi ! pauvre, proscrit même !

Don Carlos.

Qu’il fait bien d’être pauvre et proscrit, puisqu’on l’aime !