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de la légende, la vie de Jean est belle. Vie exemplaire qui subit des élargissements étranges, passant du Golgotha à Pathmos, et du supplice d’un messie à un exil de prophète. Jean, après avoir assisté à la souffrance du Christ, finit par souffrir pour son compte ; la souffrance vue le fait apôtre, la souffrance endurée le fait mage ; de la croissance de l’épreuve résulte la croissance de l’esprit. Évêque, il rédige l’Évangile. Proscrit, il fait l’Apocalypse. Œuvre tragique, écrite sous la dictée d’un aigle, le poëte ayant au-dessus de sa tête on ne sait quel sombre frémissement d’ailes. Toute la Bible est entre deux visionnaires, Moïse et Jean. Ce poëme des poëmes s’ébauche par le chaos dans la Genèse et s’achève dans l’Apocalypse par les tonnerres. Jean fut un des grands errants de la langue de feu. Pendant la Cène sa tête était sur la poitrine de Jésus, et il pouvait dire : Mon oreille a entendu le battement du cœur de Dieu. Il alla raconter cela aux hommes. Il parlait un grec barbare, mêlé de tours hébraïques et de mots syriaques, d’un charme âpre et sauvage. Il alla à Éphèse, il alla en Médie, il alla chez les parthes. Il osa entrer à Ctésiphon, ville des parthes, bâtie pour faire contre-poids à Babylone. Il affronta l’idole vivante Cobaris, roi, dieu et homme, à jamais immobile sur son bloc percé de jade néphrite,