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le conquérant est inadmissible. De nos jours Louis XIV envahissant le Palatinat ferait l’effet d’un voleur. Dès le siècle dernier, ces réalités commençaient à poindre ; Frédéric II, en présence de Voltaire, se sentait et s’avouait un peu brigand. Être un grand homme de la matière, être pompeusement violent, régner par la dragonne et la cocarde, forger le droit sur la force, marteler la justice et la vérité à coups de faits accomplis, faire des brutalités de génie, c’est être grand, si vous voulez, mais c’est une grosse manière d’être grand. Gloires tambourinées qu’un haussement d’épaules accueille. Les héros sonores ont jusqu’à ce jour assourdi la raison humaine. Ce majestueux tapage commence à la fatiguer. Elle se bouche les yeux et les oreilles devant ces tueries autorisées qu’on nomme batailles. Les sublimes égorgeurs d’hommes ont fait leur temps. C’est dans un certain oubli relatif désormais qu’ils seront illustres et augustes. L’humanité, grandie, demande à se passer d’eux. La chair à canon pense. Elle se ravise, et la voici qui perd l’admiration d’être canonnée.

Quelques chiffres chemin faisant ne sauraient nuire.

Toute la tragédie fait partie de notre sujet. Il n’y a pas que la tragédie des poètes ; il y a la