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Les écrivains et les poètes du dix-neuvième siècle ont cette admirable fortune de sortir d’une genèse, d’arriver après une fin de monde, d’accompagner une réapparition de lumière, d’être les organes d’un recommencement. Ceci leur impose des devoirs inconnus à leurs devanciers, des devoirs de réformateurs intentionnels et de civilisateurs directs. Ils ne continuent rien ; ils refont tout. A temps nouveaux, devoirs nouveaux. La fonction des penseurs aujourd’hui est complexe : penser ne suffit plus, il faut aimer ; penser et aimer ne suffit plus, il faut agir ; penser, aimer et agir ne suffit plus, il faut souffrir. Posez la plume, et allez où vous entendez de la mitraille ; voici une barricade ; soyez-en. Voici l’exil ; acceptez. Voici l’échafaud, soit. Qu’au besoin dans Montesquieu il y avait John Brown. Le Lucrèce qu’il faut à ce siècle en travail doit contenir Caton. Eschyle, qui écrivait l’Orestie, avait pour frère Cynégyre, qui mordait les navires ennemis ; cela suffisait à la Grèce au temps de Salamine ; cela ne suffit plus à la France après la Révolution ; qu’Eschyle et Cynégyre soient les deux frères, c’est peu ; il faut qu’ils soient le même homme. Tels sont les besoins actuels du progrès. Les serviteurs des grandes choses pressantes ne seront jamais assez grands. Rouler des idées, amonceler des