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Shakespeare a des égaux, mais n’a pas de supérieur. C’est un étrange honneur pour une terre d’avoir porté cet homme. On peut dire à cette terre : alma parens. La ville natale de Shakespeare est une ville élue ; une éternelle lumière est sur ce berceau ; Stratford-sur-Avon a une certitude que n’ont point Smyrne, Rhodes, Colophon, Salamine, Chio, Argos et Athènes, les sept villes qui se disputent la naissance d’Homère.

Shakespeare est un esprit humain ; c’est aussi un esprit anglais. Il est très-anglais, trop anglais ; il est anglais jusqu’à amortir les rois horribles qu’il met en scène quand ce sont des rois d’Angleterre, jusqu’à amoindrir Philippe-Auguste devant Jean-sans-Terre, jusqu’à faire exprès un bouc, Falstaff, pour le charger des méfaits princiers du jeune Henri V, jusqu’à partager dans, une certaine mesure les hypocrisies d’histoire prétendue nationale. Enfin il est anglais jusqu’à essayer d’atténuer Henri VIII ; il est vrai que l’œil fixe d’Elisabeth est sur lui. Mais en même temps, insistons-y, car c’est par là qu’il est grand, oui, ce poëte anglais est un génie humain. L’art, comme la religion, a ses Ecce Homo. Shakespeare est un de ceux dont on peut dire cette grande parole : Il est l’Homme.

L’Angleterre est égoïste. L’égoïsme est une