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n’est pas, certes, l’égoïste, mais c’est le volontaire. Il veut. Il donne à l’art ses ordres, dans les limites de son œuvre, bien entendu. Car ni l’art d’Eschyle, ni l’art d’Aristophane, ni l’art de Plaute, ni l’art de Machiavel, ni l’art de Calderon, ni l’art de Molière, ni l’art de Beaumarchais, ni aucune des formes de l’art, vivant chacune de la vie spéciale d’un génie, n’obéiraient aux ordres donnés par Shakespeare. L’art ainsi entendu, c’est la vaste égalité, et c’est la profonde liberté ; la région des égaux est aussi la région des libres.

Une des grandeurs de Shakespeare, c’est son impossibilité d’être modèle. Pour vous rendre compte de son idiosyncrasie ouvrez la première venue de ses pièces, c’est toujours, d’abord et avant tout, Shakespeare.

Quoi de plus personnel que Troïlus et Cressida ? Une Troie comique ! Voici Beaucoup de bruit pour rien, une tragédie qui aboutit à un éclat de rire. Voici le Conte d’hiver, pastorale drame. Shakespeare, dans son œuvre, est chez lui. Voulez-vous voir un despotisme, voyez sa fantaisie. Quelle volonté de rêve ! quel parti pris de vertige ! quel absolutisme dans l’indécis et le flottant ! le songe emplit à tel point quelques-unes de ses pièces que l’homme s’y déforme et y est plus nuage qu’homme. L’Angelo de Mesure pour