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c’est fini, la lueur s’éteint, la raison se décourage et s’en va, Lear est en enfance. Ah ! il est enfant, ce vieillard. Eh bien ! il lui faut une mère. Sa fille paraît. Son unique fille, Cordelia. Car les deux autres, Regane et Goneril, ne sont plus ses filles que de la quantité nécessaire pour avoir droit au nom de parricides.

Cordelia approche. — Me reconnaissez-vous, sire ? — Vous êtes un esprit, je le sais, répond le vieillard, avec la clairvoyance sublime de l’égarement. A partir de ce moment, l’adorable allaitement commence. Cordelia se met à nourrir cette vieille âme désespérée qui se mourait d’inanition dans la haine. Cordelia nourrit Lear d’amour, et le courage revient ; elle le nourrit de respect, et le sourire revient ; elle le nourrit d’espérance, et la confiance revient ; elle le nourrit de sagesse, et la raison revient. Lear, convalescent, remonte, et, de degré en degré, retrouve la vie. L’enfant redevient un vieillard, le vieillard redevient un homme. Et le voilà heureux, ce misérable. C’est sur cet épanouissement que fond la catastrophe. Hélas, il y a des traîtres, il y a des parjures, il y a des meurtriers. Cordelia meurt. Rien de plus navrant. Le vieillard s’étonne, il ne comprend plus, et, embrassant ce cadavre, il expire. Il meurt sur cette morte. Ce désespoir suprême lui est épargné de